René Pigot
Associé, Accuracy
Naarea
Face à la crise énergétique et aux enjeux de souveraineté qui se sont révélés, le nucléaire connaît actuellement un net regain d’intérêt en tant qu’énergie décarbonée. Mais quel sera le nucléaire de demain ? A côté du nucléaire conventionnel qui reste l’apanage d’acteurs étatiques ou paraétatiques, de nombreuses start-ups sous financements privés se sont lancées ces dernières années dans cette industrie, à l’instar de NAAREA (acronyme de “Nano Abundant Affordable Resourceful Energy for All”).
A travers son projet de XS(A)MR (“extra-small advanced modular reactor” en anglais), NAAREA a pour ambition de concevoir et développer des réacteurs de 4ème génération à sels fondus et de faible puissance (< 50 MW).
Les avantages de cet te technologie – initialement mise au po int dans les années 1950-1960 – sont multiples selon ses deux fondateurs (Jean-Luc Alexandre et Ivan Gavriloff). Tout d’abord, un tel réacteur, dont le fonctionnement consiste à dissoudre le combustible nucléaire dans du sel fondu à haute température (700°C), est plus sûr grâce aux systèmes de régulation de la fission, autorisés par la moindre taille du réacteur. En outre, aucun prélèvement n’est effectué sur les ressources naturelles car le réacteur utilise les combustibles issus des réserves existantes de déchets nucléaires et de thorium (concept de Waste-to-Energy), limitant d’autant les liens de dépendances avec des fournisseurs d’uranium. A cela s’ajoute que les déchets issus du process seront très restreints, réduisant par là même le risque de dispersion et les problématiques liées au stockage. Mais l’atout principal de cette innovation, et aussi ce qui la différencie d’autres projets d’envergure aux Etats-Unis ou en Chine, réside dans sa très petite taille. Avec un volume ultra compact, s’approchant d’un container, le réacteur peut être déployé de manière indépendante et décentralisée, permettant d’être au plus proche des consommateurs industriels, sans nécessiter de renforcement des réseaux de distribution actuels ni d’accès à l’eau. In fine, un tel réacteur devrait assurer un prix de l’énergie en sortie de réacteur plus abordable que celle issue des énergies fossiles et renouvelables pour une autonomie pouvant aller jusqu’à 10 ans.
L’objectif de NAAREA est de produire et d’exploiter, ellemême, ses micro-centrales en grande série et de vendre l’énergie produite aux industriels. Ce positionnement en tant que fournisseur de services est de ce fait nettement plus engageant et donc rassurant pour les autorités de sûreté nucléaire car il évite la multiplication des exploitants nucléaires. Là encore, il diffère des nombreux autres projets concurrents qui s’en tiennent à fournir la solution.
En contrepartie, ce projet nécessite de lourds investissements. Aujourd’hui, la start-up a déjà levé plusieurs dizaines de millions d’euros auprès de family offices et a construit des partenariats avec des acteurs majeurs de l’industrie : le CEA, le CNRS, Framatome, Orano, Dassault Systèmes, Assystem. C’est d’ailleurs avec ce dernier qu’elle est en train de réaliser le jumeau numérique de son réacteur, prévu pour l’été 2023. Participant notamment à l’appel à projets “ Réacteurs nucléaires innovants ” du plan d’investissement « France 2030 », NAAREA espère encore lever plusieurs centaines de millions pour pouvoir construire son prototype d’ici à 2027, puis sa première unité d’ici à 2029.