Les résultats 2020 des banques françaises confortent largement les tendances longues sur le métier de la banque de détail en France. A ce titre, il est intéressant d’analyser les chiffres sur cinq ans, pour évaluer l’impact des ruptures à l’oeuvre et comprendre comment ce métier a vu son poids relatif se réduire sensiblement dans le résultat des six plus grandes banques françaises, qu’il y soit très pondéreux (Mutualistes, Banque Postale) ou nettement moins (BNP Paribas, Société Générale).
La baisse des revenus, autour de 1 % par an toutes banques confondues, est le principal moteur de cette évolution. Au sein du produit net bancaire (PNB), c’est naturellement la marge d’intérêts qui recule, en partie à cause des taux bas, en partie du fait des pratiques commerciales.
Cette baisse de marge se traduit par une chute beaucoup plus élevée du résultat brut d’exploitation, avec, depuis 2014, un recul de 5 % par an sur le métier. Le coût du risque baissant fortement, la baisse du résultat net est plus limitée.
Mais outre ce contexte macroéconomique, les banques de détail françaises souffrent des spécificités et pratiques du marché français.
Commençons par le crédit immobilier, le produit « harpon » de la relation-client, qui, depuis toujours, affiche des marges particulièrement ténues en France. Cette pratique s’est avérée très pénalisante lors des vagues de remboursements anticipés de 2015 à 2018. Celles-ci ont coûté plusieurs milliards de PNB au système, pour des gains de parts de marché individuels quasi inexistants.
Pour compenser, les banques ont toutes cherché à développer les encours : ceux à l’habitat ont ainsi augmenté de 28 % depuis 2014, passant de 833 à 1.071 milliards d’euros. La question de la rentabilité de ce choix se pose d’autant plus que, malgré des réseaux d’agences parmi les plus denses en Europe, nos banques utilisent beaucoup les courtiers pour le crédit immobilier (40 % des volumes).
L’autre grand pourvoyeur de crédits, le crédit à la consommation, génère structurellement, des marges plus élevées. L’encours est environ cinq fois inférieur à celui du crédit immobilier (188 milliards d’euros en septembre 2019), et le marché est dominé par les entités spécialisées de BNP Paribas, du Crédit Agricole et du Crédit Mutuel (80 % de parts de marché à eux trois).
Ce produit connaît des taux de croissance de 3 % par an depuis 2014, et il constitue donc un enjeu majeur des plans stratégiques de l’ensemble des banques. Il fait l’objet d’innovations produits régulières, comme le paiement fractionné récemment. La compétition devrait s’accroître dans ce métier dans les années à venir.
Côté épargne, les deux produits réglementés, Livret A et PEL, spécificités du marché français, représentent plus de 540 milliards d’épargne à fin septembre 2019, et les taux qu’ils affichent constituent un handicap dans le contexte actuel.
L’épargne logement représente une autre difficulté pour les banques de détail avec son taux encore plus élevé. Il est passé de 2,5 % à 1 % depuis 2014, mais cela n’a pas empêché les encours de grimper de 60 milliards d’euros dans le même temps, grevant ainsi le PNB des banques qui le collectent, avec un taux moyen de 2,65 %. Là encore, les banques n’ont pas toutes la même politique.
Ainsi, si les six principales banques françaises souffrent à des degrés divers sur le front de la banque de détail, elles n’ont pas toutes les mêmes stratégies. Là où les banques les mieux implantées peuvent faire le choix de l’équipement et des volumes, les banques aux réseaux moins pondéreux se doivent d’être plus diversifiées et plus attentives aux rentabilités de chaque activité.
Les symptômes sont divers, mais, pour redresser la rentabilité, les remèdes sont probablement communs : continuer à mieux segmenter et personnaliser les offres, investir pour ne jamais se laisser distancer par les néobanques en matière d’expérience client. Et peut-être fonctionner enfin différemment sur le front du crédit immobilier. Ce qui semble s’engager en ce début d’année.