Deuxième auteur :
Franck Bancel (Academic Advisor)
Les montants rendus publics à l’occasion des récents transferts de joueurs (Neymar, Mbappé) ont très largement occupé l’espace médiatique des derniers mois. L’importance des sommes affectées aux transferts pose aux financiers la question de leur évaluation. Comment justifier de tels montants ? Répondent-ils à une forme de rationalité économique ou ne sont-ils que l’expression de « l’exubérance irrationnelle » chère à Alan Greenspan et à l’oeuvre cette fois-ci sur le marché des transferts des joueurs ?
Rappelons tout d’abord les facteurs qui conditionnent la valeur financière d’un transfert. En premier lieu, les clubs évaluent le potentiel physique (résistance, vitesse, etc.) et technique (passes décisives, tacles, etc.) d’un joueur. Par ailleurs, certains postes comme les avant-centres sont très recherchés et vaudront donc plus cher, à niveau de performance ou à âge équivalent.
Tout ce qui contribue à la visibilité médiatique du joueur augmentera la valeur de son contrat (sélections en équipe nationale, nombre de « followers » sur les réseaux sociaux, etc.). Ensuite, un transfert repose sur un contrat d’engagement qui est un actif comptable (ce qui est d’ailleurs une des particularités du football). Plus la durée d’engagement figurant dans le contrat est étendue, plus sa valeur sera élevée, car le club dispose de fait d’un droit d’usage plus long.
Enfin, la très forte progression des droits TV dans certains championnats (et notamment le championnat anglais), l’arrivée d’investisseurs internationaux comme le Qatar ou Abu Dhabi et la globalisation de l’économie du football ont créé les conditions pour une inflation des valeurs des transferts des joueurs.
1. PAS DE MODELE CONCLUSIF
La littérature économique et financière propose différentes approches pour estimer la valeur financière des transferts. Certains chercheurs ont tenté d’expliquer les valeurs constatées à partir de quelques variables (âge du joueur, poste, nationalité, performance sportive et extra-sportive, etc.). D’autres ont modélisé l’incertitude associée à la performance sportive future ou encore à la capacité d’un club à exploiter pleinement le potentiel d’un joueur.
Aucune de ces approches n’est pourtant totalement convaincante pour appréhender la globalité du marché des transferts. Trop de paramètres entrent en jeu, car il faut modéliser non seulement les performances sportives et extra-sportives du joueur, les caractéristiques du contrat, mais également les capacités sportives et financières des clubs acheteurs et vendeurs, etc. Tout cela dans un contexte où l’importance des différentes variables change dans le temps.
2. UN ‘MARCHE’ TRES HETEROGENE
Autre difficulté majeure : le « marché » des transferts est très loin d’être homogène. La valeur moyenne d’un transfert se situe à des niveaux très inférieurs à celles des montants communiqués pour les quelques transferts les plus médiatisés. Pour les joueurs « standards » qui représentent la majeure partie des transactions, la théorie financière et les modèles sont relativement performants. Les clubs disposent de nombreux points de comparaison sur le marché des transferts et peuvent utiliser une approche analogique pour les valoriser.
S’agissant des quelques joueurs « stars », il est tout à fait abusif de parler de « marché » au sens où l’entend la théorie financière, du fait de la très grande rareté de ces joueurs et du nombre réduit de clubs acheteurs ou vendeurs. Il devient alors illusoire de valoriser les joueurs « stars » en retenant une approche financière classique.
L’inflation de la valeur des transferts ne bénéficiera pas aux clubs, car les plus-values réalisées devront être réinvesties dans d’autres transferts et en salaires sous peine de voir la performance sportive décliner. Marché peu régulé, afflux de capitaux, ressources rares… sans surprise dans le contexte actuel, seuls les joueurs et leurs agents seront au final les bénéficiaires.